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La clause bénéficiaire permet au souscripteur d’un contrat d’assurance-vie de désigner qui sera le ou les bénéficiaires du capital au moment de son décès. La bonne utilisation et rédaction de cette clause bénéficiaire est indissociable d’une bonne optimisation de la transmission de votre patrimoine.
L’assurance-vie est en effet un puissant outil de transmission, car ses capitaux versés au bénéficiaire sont hors succession et bénéficient d’un abattement spécifique de 152 500€ pour tous les versements effectués par le souscripteur avant ses 70 ans. En faisant ainsi jouer l’abattement succession assurance-vie et l’abattement sur les droits de succession (parents-enfants : 159 325€), vous pouvez transmettre un patrimoine de 311 852€ sans aucune imposition successorale.
Savez-vous ainsi si vous avez bien pris toutes les dispositions successorales dans les clauses bénéficiaires de vos contrats d’assurance-vie ? Si vous avez des questions sur votre situation personnelle et vos clauses bénéficiaires d’assurance-vie, je vous invite à nous contacter. En attendant, suivez les conseils de cet article !
Clause bénéficiaire assurance-vie
- Les modes et supports de la désignation de la clause bénéficiaire
- L’acceptation par le bénéficiaire
- Nos conseils pour la rédaction de la clause bénéficiaire
- Les limites et risques de la clause bénéficiaire
- Les options ouvertes au bénéficiaire de la clause
1. Les modes et supports de la désignation de la clause bénéficiaire
Le mode de désignation de la clause bénéficiaire
Selon le L132-8 du Code des Assurances, il est nécessaire d’avoir un bénéficiaire déterminé ou déterminable dans la clause bénéficiaire de son contrat d’assurance-vie :
- Déterminé : nommément désigné.
- Déterminable : nommé par qualité (mon conjoint, mon jardinier…).
S’il n’y a pas de bénéficiaire déterminé ou déterminable, les capitaux décès font partie de la succession sur le plan civil (L132-11) et seront donc fiscalisés comme les autres actifs patrimoniaux du défunt.
Le support de désignation de la clause bénéficiaire
La clause bénéficiaire doit être inscrite :
- Dans la police du contrat d’assurance-vie ou sur papier libre.
- Désignation testamentaire : Le testament comme support de désignation ou bien le dépôt de la clause bénéficiaire avec inscription au FCDDDV reste le seul moyen de retrouver tous les contrats après le décès et de ne pas en oublier.
2. L’acceptation par le bénéficiaire
Au moment du décès du souscripteur-assuré, le bénéficiaire désigné doit manifester la volonté de récupérer les sommes. On dit alors qu’il accepte le bénéfice du contrat.
Il est possible, mais pas nécessaire, que le bénéficiaire n’intervienne au moment de la souscription, ni pendant la durée du contrat d’assurance-vie. Toutefois, cette acceptation par le bénéficiaire peut quand même intervenir à tout moment, avec un certain nombre d’effets lorsque elle est réalisée pendant la vie du contrat et du souscripteur-assuré.
Les effets de l’acceptation bénéficiaire du vivant du souscripteur-assuré
Article L132-9 du Code des Assurances – le blocage : « (…). Pendant la durée du contrat, après acceptation du bénéficiaire, le stipulant ne peut exercer sa faculté de rachat et l’entreprise d’assurance ne peut lui consentir d’avance sans l’accord du bénéficiaire. »
En bref, sans accord du bénéficiaire acceptant, le souscripteur ne peut plus modifier la clause ni faire d’opérations sur le contrat (retraits, arbitrage, avances) si l’acceptation de la clause bénéficiaire a eu lieu.
Les modalités de l’acceptation de la clause bénéficiaire du vivant du souscripteur-assuré
Article L132-9 II du Code des Assurances – Loi du 17 décembre 2009 : « tant que l’assuré et le stipulant sont en vie, l’acceptation est faite par un avenant signé de l’entreprise d’assurance, du stipulant et du bénéficiaire. Elle peut également être faite par acte authentique ou sous seing privé, signé du stipulant et du bénéficiaire, et n’a pas alors d’effet à l’égard de l’entreprise d’assurance que lorsqu’elle lui a été notifiée par écrit ».
Il faut donc que le souscripteur-assuré encore en vie donne son accord pour faire accepter la clause au bénéficiaire.
3. Nos conseils pour la rédaction de la clause bénéficiaire
Pour que la transmission de votre capital se fasse comme vous le souhaitez réellement, bien rédiger la clause bénéficiaire de ses contrats d’assurance-vie est fondamental.
Vous devez ainsi vous poser la question du prédécès d’un bénéficiaire et en prévoir la représentation : beaucoup de clauses bénéficiaires de contrats d’assurance-vie anciens (des années 90 et avant) méritent d’être vérifiées sur ce point.
À la différence du droit des successions, la représentation n’est pas automatique s’agissant de capitaux décès. Si elle n’est pas prévue dans la clause bénéficiaire, elle ne jouera pas en cas de prédécès d’un bénéficiaire.
Et pourquoi ne pas prévoir également que la représentation puisse jouer en cas de non-acceptation du bénéficiaire ? C’est pour offrir au premier bénéficiaire la possibilité de faire un saut de génération.
Désignation de bénéficiaires conjoints
Précautions rédactionnelles de la clause bénéficiaire
« Je désigne comme bénéficiaires Pierre et Paul » : Si Pierre décède, à défaut de représentation, Paul est attributaire de tous les capitaux décès.
« Je désigne comme bénéficiaire, pour moitié chacun, Pierre et Paul » : Si Pierre décède, à défaut de représentation, Paul est attributaire de la moitié des capitaux décès, l’autre moitié intègre la succession.
En cas de légataire universel
Que se passe-t-il lorsque les capitaux décès du contrat d’assurance-vie sont attribués aux « héritiers » et que le défunt laisse un légataire universel ?
Le légataire universel appréhendera la totalité des capitaux en l’absence d’héritiers réservataires (civ. 1ère 4 avril 1978). En présence d’héritiers réservataires, il appréhendera la quote-part.
En cas du choix de l’usufruit pour le conjoint survivant
Que se passe-t-il si la clause bénéficiaire est « mes héritiers » et que le défunt laisse, outre ses enfants, son conjoint qui opte pour l’usufruit ?
Il y aura attribution en démembrement de propriété des capitaux décès. On rédige souvent une clause bénéficiaire démembrée et on oublie qu’une désignation qui renvoie à la dévolution légale peut aboutir au même résultat.
Mais les capitaux décès pourraient être attribués autrement en fonction de l’option que ferait le conjoint…
Exemples de désignation des bénéficiaires de la clause « à tiroirs »
« Je désigne comme bénéficiaire en cas de décès : Mon Epouse, Madame … demeurant à …
Elle pourra choisir dans le délai de deux mois du jour de mon décès, celle des quotités suivantes qui lui conviendra:
- Soit la totalité du capital en propriété,
- Soit la totalité du capital en usufruit,
- Soit, moitié du capital en propriété et moitié en usufruit.
Elle devra faire connaître par courrier recommandé à la compagnie d’assurance l’option qu’elle aura choisie.
Dans le cas où elle n’aurait pas exercé son option dans le délai ci-dessus prévu, elle sera bénéficiaire de la totalité du capital en pleine propriété.
Dans le cas où elle opterait pour une quotité autre que la pleine propriété, la part du capital qu’elle n’aurait pas choisi reviendra à mes enfants, vivants ou représentés, par parts égales. »
4. Les limites et risques de la clause bénéficiaire
Même si les capitaux des contrats d’assurance-vie sont se transmettent hors succession, il est indispensable d’émettre des points de vigilance sur ses limites si vous souhaitez « déshériter » ou « avantager » un ou plusieurs membres de votre famille. L’administration fiscale peut vous demander des comptes et/ou les personnes lésées peuvent faire valoir leurs droits.
(Principe du hors succession – Article L132-12 du Code des Assurances : « Le capital ou la rente stipulée payable au décès de l’assuré à un bénéficiaire ou à ses héritiers ne fait pas partie de la succession de l’assurée ».)
Les points de vigilance sur la clause bénéficiaire
Primes manifestement exagérées
Les primes manifestement exagérées sont les seules dispositions légales « anti-violation » des règles de dévolution successorale.
Un contentieux maitrisable dont on connait bien les règles à présent et dont on connait les limites posées par la jurisprudence.
Attention : ce ne sont pas les capitaux décès qui vont être concernés ici, mais les primes versées sur le contrat d’assurance-vie.
Les actions des héritiers lésés par la désignation de la clause bénéficiaire
Ces contentieux sont tous jurisprudentiels :
Primes manifestement exagérées
- Réintégration du montant exagéré pour le rapport et/ou la réduction.
- Nécessité de prouver l’exagération – appréciation souveraine des juges du fonds.
- DIFFICILE à prouver pour les héritiers lésés.
Fraude à la réserve
- Nécessité de prouver l’intention frauduleuse.
- DIFFICILE à prouver pour les héritiers lésés.
Requalification en contrat de capitalisation
- Cours de Cassation 23/11/04 : le contrat d’assurance-vie n’est pas un contrat de capitalisation, car c’est un contrat aléatoire.
- L’aléa repose sur l’indétermination du bénéficiaire lors de la souscription (vie/décès).
- IMPOSSIBLE, une Réintégration pour absence d’aléa peut être obtenue.
Les actions de l’administration fiscale suite au dénouement du contrat d’assurance-vie
Primes manifestement exagérées
- L132-14 du Code des Assurances : seulement pour recouvrer des impositions dues par le défunt de son vivant, mais pas pour taxer l’assurance-vie.
Requalification en donation directe
Il faut que l’administration fiscale démontre :
- L’intention de donner.
- Le dépouillement irrévocable.
- L’acceptation.
- L’absence de rachats.
L’abus de droit
- L64-LPF : mis en œuvre dans les cas caricaturaux…
Requalification en contrat de capitalisation - IMPOSSIBLE, opposer l’avis du ministère du 6 juillet 2004 ainsi que les arrêts de novembre 2004.
Primes manifestement exagérées
Article L 132-13 du Code des Assurances : « le capital ou la rente payable au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ».
Article L 132-16 du Codes des Assurances : « le bénéfice de l’assurance contractée par un époux commun en bien en faveur de son conjoint constitue un propre pour celui-ci. Aucune récompense n’est due à la communauté en raison des primes payées par elle, sauf dans les cas spécifiés dans l’article L 132-13 deuxième alinéa ».
Domaines d’application |
Bénéficiaire et souscription avec des fonds communs |
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Titulaire |
Héritiers |
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Enjeu |
Récompense au profil de la communauté- Cf L132-16 al2 |
Rapport de la partie exagérée des primes et/ou actions en réduction – Cf L132-13 al2 |
Critères |
Faisceau d’indices pris en compte par les juges du fonds
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Les restitutions successorales
Un souscripteur place en une seule fois 90% de son patrimoine sur un contrat d’assurance vie et désigne un(e) ami(e) comme bénéficiaire.
A son décès, il laisse ses deux frères comme héritiers.
Les frères peuvent-ils agir sur le fondement de primes manifestement exagérées et que peuvent-ils espérer ?
- Les placements de capitaux peu de temps avant une mort inéluctable sont dans le collimateur de toutes les actions quel qu’en soit l’auteur (fisc, héritier, aide sociale)
- Il faut éviter que les remises en cause qui concernent aujourd’hui des cas caricaturaux ne s’étendent aux contrats qui ne sont utilisés que comme des supports d’accumulation d’un capital en vue d’une transmission s’affranchissant des règles civiles et/ou fiscales.
- Le jour où le contentieux survient, il faut démontrer l’utilité patrimoniale du contrat pour le souscripteur. Pour se prémunir : faire vivre ses contrats!
5. Les options ouvertes au bénéficiaire de la clause
Décès du bénéficiaire après l’assuré sans acceptation
Et si le bénéficiaire décède après l’assuré mais avant d’avoir pu accepter?
La jurisprudence considère que les capitaux décès doivent revenir aux héritiers du bénéficiaire de premier rang, sauf s’il a été désigné des bénéficiaires subsidiaires sans réserver les droits des héritiers du premier nommé.
Renonciation du bénéficiaire des bénéfices du contrat d’assurance-vie
Des réflexions patrimoniales peuvent amener parfois le bénéficiaire de premier rang à renoncer au bénéfice du contrat au profit des bénéficiaires de second rang.
Fiscalement : quid du risque de taxation aux droits de mutation à titre gratuit entre le bénéficiaire renonçant et le bénéficiaire final (de second rang) ?
Réponse ministérielle ROQUES du 27 septembre 1993 : « la renonciation du 1er bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie a pour effet d’attribuer le droit au capital au second bénéficiaire désigné. Par suite, des droits de succession éventuellement dus sur la valeur du capital acquis au décès de l’assuré(…) sont liquidés en fonction du lien de parenté entre le second bénéficiaire et l’assuré ».
- Prudence : on conseillera de ne pas écrire «déclaration de renonciation au bénéfice du contrat », mais plutôt « déclaration de non-acceptation du bénéfice du contrat ».
- Rappel : la non-acceptation par un conjoint commun en bien du bénéfice d’un contrat souscrit avec des deniers communs profitant au bénéficiaire de second rang (fût-il un enfant), génère une récompense au profit de la communauté.
- Donc l’actif de succession doit augmenter de la valeur de la moitié des primes versées sur le contrat…
- Mais l’administration est-elle au fait de ce point de ce droit dans la vérification des déclarations de succession… ?
Vous avez des questions / des doutes sur la rédaction de vos clauses bénéficiaires d’assurance- vie ? Des questions sur vos droits en matière d’optimisation successorale ? Contactez notre cabinet de gestion de patrimoine.
Très bons conseils sur le fonctionnement de la clause bénéficiaire.
Je me permettrais d’ajouter un point important. Une clause bénéficiaire se doit d’évoluer avec la situation familiale des protagonistes impliqués, ie souscripteurs et bénéficiaires.
En effet, quand bien même une clause bénéficiaire serait « excellente », elle ne le serait qu’à un instant t.
Il ne faut jamais perdre de vue que son contenu doit toujours être en phase avec la situation familiale du souscripteur et même des bénéficiaires (identité, adresse…)
Pour aider les souscripteurs à maintenir ce/ces documents à jour, il existe des services gratuits comme ultiminfo.com, sinon attention au risque de voir ces capitaux tomber en déshérence. (de 10 à 30 milliards d’euros selon le rapport Attali. Voir sur google : attali déshérence)
La déshérence des capitaux non réclamés est trop souvent due à l’existence de clauses bénéficiaires obsolètes car faisant référence à des personnes physiques non-identifiables et/ou non-joignables.
Certes les cies d’assurance ont de nouvelles obligations et outils pour tenter de retrouver des bénéficiaires, mais elles ne disposent pas encore de boule de cristal…
Aussi vaut-il mieux prendre ses précautions quand on en a le temps de son vivant pour éviter de laisser ses bénéficiaires se transformer en chasseur de prime bien souvent bredouilles.